Romains, Alamans et Francs : les peuples en Bade

Avant d’ouvrir le vieux grimoire pour la première fois, je voudrais vous brosser un portrait de la région où nous nous trouvons. Nous vivons sur une terre très ancienne. Sur le territoire de la ville de Fribourg, longtemps avant que la ville ne soit fondée, les hommes y passaient, y chassaient et y guerroyaient depuis des millénaires.

Les Romains

On trouve des traces de passage depuis l’âge de pierre [die Steinzeit]. Un peu plus tard, les Celtes [die Kelten, masc. pl.] ont d’abord défendu leur territoire contre les Romains [die Römer, masc. pl.] avant de cohabiter. Sur le Schlossberg, la colline du château de Fribourg, nous avons des traces d’un vieil habitat romain. Et les archéologues pensent aujourd’hui qu’il y avait une villa romaine sur le territoire de la ville. Cela se passe à peu près mille ans avant la fondation [die Gründung] de Fribourg.

Dans les environs, on trouve partout des restes des Celtes et des Romains, la ville de Brisach par exemple qui a donné son nom à la région du Brisgau ou les villas romaines de Heitersheim et de Badenweiler. Cette dernière est une petite ville thermale à 30 km au sud de Fribourg. À l’opposé, à une centaine de kilomètres au nord de Fribourg, une autre ville thermale célèbre, Baden-Baden, était déjà appréciée par les soldats romains. Elle a donné son nom à la région, la Bade.

Les Alamans

La région a été peu à peu conquise par les Alamans [die Alemannen, masc. pl.], contre les (celto-) Romains sans que ce soit une lutte continuelle toutefois car ils ont également fait du commerce ensemble. Les Alamans, ce sont les « Ala Mannen », « tous les hommes » [Alle Männer].

Pour ce qu’il en est des restes des Alamans, c’est souvent plus difficile au niveau des traces archéologiques. Mais les sources écrites sur les Alamans doivent être lues de façon critique car ce sont notamment les Romains qui ont laissé des écrits à ce propos. Evidemment, votre ennemi ne va pas écrire des choses objectives sur vous. Ces sources écrites sur les Alamans peuvent donc être lues comme du « fake », un peu comme aujourd’hui. Les sources archéologiques nous dressent un tableau plus précis. Elles montrent notamment des hommes qui étaient proches de leurs voisins germaniques. Evidemment par rapport aux restes des Romains avec leur constructions en pierre ou en brique, il nous reste beaucoup moins de traces. En effet, les constructions des Alamans étaient généralement en bois et torchis…

Par exemple directement au nord de Fribourg, à environ 8 km, se trouve le village de Vörstetten. C’est ici qu’on a trouvé des traces d’une ancienne ferme des Alamans. Un petit écomusée [das Freilichtmuseum] très intéressant a été reconstitué. A Fribourg même, on peut découvrir un trésor alaman dans le musée archéologique de la ville, le Colombischlössle, qui lui-même est un vrai petit trésor [der Schatz].

Les Francs

Ensuite les Francs ont vaincu les Alamans. Ils se sont installés un peu partout et sont devenus les nouveaux seigneurs. On reconnait d’ailleurs bien les endroits où se sont installés les Francs et on peut les distinguer des endroits où habitaient les Alamans. En effet, pour les Francs, vous avez les villes qui se terminent en « ingen » comme Emmendingen, Gundelfingen, Denzlingen, Kenzingen par exemple. Cela correspond dans le Sundgau (sud de l’Alsace) à toutes les villes en « ingue » comme Hésingue, Hirsingue, Oltingue. En Lorraine, ce sont toutes les villes en « ange » comme Hayange, Hagondange, Florange. Les villes des Alamans se terminent en « heim » et on en retrouve en Bade à Heitersheim et à Müllheim. Mais, ironie de l’Histoire, c’est en Alsace qu’on trouve le plus de villes alamanes comme Fessenheim, Eguisheim, Ensisheim, Bergheim, Turckheim…

Battus par les Francs au 5e siècle à la bataille de Tolbiac [en allemand : Zülpich !] à côté de Cologne [Köln], les Alamans ont perdu leur indépendance pour toujours. Tel n’est pas le cas de leur nom. Au 13e siècle, on a appelé l’Empire « regnum Theutonicum » ou « regnum Alemanniae ». Les ordres religieux et notamment les franciscains et les dominicains ont utilisé ce dernier nom dans les noms de leurs provinces.

C’est ainsi que ce nom Alamannia rentrait petit à petit dans la langue française et dans d’autres langues. L’Allemagne désigne désormais en français un pays où peu d’habitants descendent vraiment des Alamans. Certaines langues étrangères auront pris le nom de la peuplade la plus proche de chez elle : les Alamans en français, les Germains en anglais (Germany), les Saxons en finnois (Saksa).

On dit toutefois que les Alamans avaient les cheveux bruns. De quoi casser un mythe…