Le carnaval alémanique

Le carnaval alémanique : que signifie cet adjectif “alémanique” qui caractérise le carnaval de la région de Fribourg-en-Brisgau et la Forêt-Noire ? Tout simplement parce que ce carnaval bien spécial couvre la région des Alamans. Mais cela veut dire aussi qu’il y a d’autres carnavals, que l’on retrouve tout le long du Rhin.

Le carnaval alémanique : un carnaval parmi trois carnavals

En général, le carnaval a connu son heure de gloire au Moyen Âge et au début de la Renaissance. Il suffit de penser à certains tableaux de Bruegel l’Ancien. Toutefois, le carnaval a été de plus en plus frappé par des interdictions après la Réforme et surtout au moment de la Contre-Réforme. Le romantisme du 19e siècle a remis le carnaval à l’honneur. Mais il a pris des formes plus institutionnalisées, notamment avec l’introduction du prince carnaval [Prinz, masc. sing.] et de nombreuses cérémonies honorifiques. La pompe et l’apparat, avec de superbes défilés de soldats d’opérette et de majorettes de pacotille, caractérisent alors le carnaval. Dans ce carnaval, les diatribes satiriques et l’autocritique de toute la société politique et économique ne sont pas oubliées.

Dans les régions du Nord du Rhin, de Mayence à Düsseldorf, les bourgeois se sont approprié le carnaval. Au début du 20e siècle, dans le Sud, entre Karlsruhe et Fribourg, ce type du carnaval a été délaissé pour être repris par les ouvriers et les artisans sous une autre forme. C’est ainsi que se sont développés deux carnavals totalement différents : le carnaval du Nord, “rhénan” et celui du Sud de l’Allemagne, le carnaval “alémanique”, sombre, sauvage et sobre (façon de parler !). Il faut ajouter à ces deux carnavals un troisième, celui de Bâle en Suisse et de sa région. Plus proche dans sa forme avec le carnaval rhénan, il n’en reste pas moins que le carnaval bâlois est un carnaval plus secret, plus intime et plus incroyable.

Les spécificités du carnaval alémanique

Dans le Sud de l’Allemagne, ce sont les bêtes de la Forêt-Noire qui descendent dans les vallées pour chasser l’hiver. Dans chaque village et aussi dans la ville de Fribourg, il existe différentes associations [Zünfte, fém. pl.], c’est-à-dire des groupes de carnaval. Influencé par la région et la forêt, vous trouvez des ours [Bären, masc. pl], des loups [Wölfe, masc. pl.], des sorcières [Hexen, fém. pl.], des diables [Teufel, masc. pl.], des esprits de la forêt [Waldgeister, masc. pl.], ou des animaux symboliques des différents villages. On a l’impression que toute la forêt est descendue dans les vallées.

À partir de fin janvier, chaque week-end, des défilés [Umzüge, masc. pl.] ont lieu dans les villages et dans les villes. Cela dure jusqu’au lundi des roses [Rosenmontag, masc. sing.], le lundi précédant le mercredi des Cendres. Lors du défilé, les animaux et monstres des différentes associations lancent et distribuent des bonbons aux spectateurs. La principale animation de ces défilés est l’activité des sorcières ou des diables qui rentrent en contact avec les spectateurs installés sur les trottoirs. Il faut s’en méfier ! En vous tendant des bonbons, la sorcière peut en profiter pour vous « savonner » de confetti. Ce n’est pas le pire. Quelquefois, les sorcières et diables « enlèvent » de belles jeunes filles pour les emprisonner provisoirement dans des cages roulantes ou dans des chariots remplis de foin.

Des vêtements chamarrés

Surtout, les sorcières peuvent perdre leurs chaussures en chemin. Ces chaussures sont les chaussures typiques qu’on portait pendant des siècles en Forêt-Noire. Bien évidemment, les sorcières s’empressent de les reprendre rapidement pour ne pas attraper froid. Ce qui est aussi impressionnant, c’est de voir les sorcières claquer par terre des panses de porc [Schweinsnieren, fém. pl.] gonflées.
Les vêtements de ces groupements sont fait en patchwork [Flicken–flecken] de différentes couleurs qui sont cousus sur une étoffe pour former le vêtement : le Häs. En plus, tous ces personnages portent des masques sculptés en bois. Ce sont de vrais chefs-d’œuvre faits par des artisans. En bois et ensuite peints, vous pouvez facilement imaginer la valeur de ces masques. Un groupe est très connu à Fribourg : les Sioux. Ils ont même un campement au bord de la ville, à côté d’IKEA ! Ils ont reproduit avec exactitude les vêtements de cette tribu d’Indiens d’Amérique.

 

Un carnaval encore alémanique ?

Le carnaval alémanique n’est donc pas totalement sombre. L’atmosphère est bon enfant, très détendue et c’est un spectacle qui vaut la peine d’être vu. La musique est généralement assurée par des cliques bâloises. Ces cliques [Cliquen, le terme allemand vient du français !] viennent en voisines et mêlent désormais les deux carnavals, alémanique et bâlois. Difficile de s’y retrouver et il faut s’y connaître un peu pour savoir démêler les origines. Nous pouvons vous proposer de vous accompagner lors d’un tel défilé pour vous en expliquer le déroulement. Contactez-nous !

Toutes ces festivités se terminent avec le mercredi des Cendres et le début de carême. À Bâle, toutefois, les festivités ont lieu notamment le lundi d’après le mercredi des Cendres. Cette spécificité est pourtant simple : pour les catholiques, le carême compte 46 jours car les 6 dimanches de carême ne sont pas jours de jeûne. En revanche, Bâle la protestante respecte stricto sensu les 40 jours et leur carême commence plus tard… C’est un des nombreux secrets du carnaval bâlois.