Le carnaval alémanique

Le carnaval alémanique

Le carnaval alémanique : que signifie cet adjectif “alémanique” qui caractérise le carnaval de la région de Fribourg-en-Brisgau et la Forêt-Noire ? Tout simplement parce que ce carnaval bien spécial couvre la région des Alamans. Mais cela veut dire aussi qu’il y a d’autres carnavals, que l’on retrouve tout le long du Rhin.

Le carnaval alémanique : un carnaval parmi trois carnavals

En général, le carnaval a connu son heure de gloire au Moyen Âge et au début de la Renaissance. Il suffit de penser à certains tableaux de Bruegel l’Ancien. Toutefois, le carnaval a été de plus en plus frappé par des interdictions après la Réforme et surtout au moment de la Contre-Réforme. Le romantisme du 19e siècle a remis le carnaval à l’honneur. Mais il a pris des formes plus institutionnalisées, notamment avec l’introduction du prince carnaval [Prinz, masc. sing.] et de nombreuses cérémonies honorifiques. La pompe et l’apparat, avec de superbes défilés de soldats d’opérette et de majorettes de pacotille, caractérisent alors le carnaval. Dans ce carnaval, les diatribes satiriques et l’autocritique de toute la société politique et économique ne sont pas oubliées.

Dans les régions du Nord du Rhin, de Mayence à Düsseldorf, les bourgeois se sont approprié le carnaval. Au début du 20e siècle, dans le Sud, entre Karlsruhe et Fribourg, ce type du carnaval a été délaissé pour être repris par les ouvriers et les artisans sous une autre forme. C’est ainsi que se sont développés deux carnavals totalement différents : le carnaval du Nord, “rhénan” et celui du Sud de l’Allemagne, le carnaval “alémanique”, sombre, sauvage et sobre (façon de parler !). Il faut ajouter à ces deux carnavals un troisième, celui de Bâle en Suisse et de sa région. Plus proche dans sa forme avec le carnaval rhénan, il n’en reste pas moins que le carnaval bâlois est un carnaval plus secret, plus intime et plus incroyable.

Les spécificités du carnaval alémanique

Dans le Sud de l’Allemagne, ce sont les bêtes de la Forêt-Noire qui descendent dans les vallées pour chasser l’hiver. Dans chaque village et aussi dans la ville de Fribourg, il existe différentes associations [Zünfte, fém. pl.], c’est-à-dire des groupes de carnaval. Influencé par la région et la forêt, vous trouvez des ours [Bären, masc. pl], des loups [Wölfe, masc. pl.], des sorcières [Hexen, fém. pl.], des diables [Teufel, masc. pl.], des esprits de la forêt [Waldgeister, masc. pl.], ou des animaux symboliques des différents villages. On a l’impression que toute la forêt est descendue dans les vallées.

À partir de fin janvier, chaque week-end, des défilés [Umzüge, masc. pl.] ont lieu dans les villages et dans les villes. Cela dure jusqu’au lundi des roses [Rosenmontag, masc. sing.], le lundi précédant le mercredi des Cendres. Lors du défilé, les animaux et monstres des différentes associations lancent et distribuent des bonbons aux spectateurs. La principale animation de ces défilés est l’activité des sorcières ou des diables qui rentrent en contact avec les spectateurs installés sur les trottoirs. Il faut s’en méfier ! En vous tendant des bonbons, la sorcière peut en profiter pour vous « savonner » de confetti. Ce n’est pas le pire. Quelquefois, les sorcières et diables « enlèvent » de belles jeunes filles pour les emprisonner provisoirement dans des cages roulantes ou dans des chariots remplis de foin.

Des vêtements chamarrés

Surtout, les sorcières peuvent perdre leurs chaussures en chemin. Ces chaussures sont les chaussures typiques qu’on portait pendant des siècles en Forêt-Noire. Bien évidemment, les sorcières s’empressent de les reprendre rapidement pour ne pas attraper froid. Ce qui est aussi impressionnant, c’est de voir les sorcières claquer par terre des panses de porc [Schweinsnieren, fém. pl.] gonflées.
Les vêtements de ces groupements sont fait en patchwork [Flicken–flecken] de différentes couleurs qui sont cousus sur une étoffe pour former le vêtement : le Häs. En plus, tous ces personnages portent des masques sculptés en bois. Ce sont de vrais chefs-d’œuvre faits par des artisans. En bois et ensuite peints, vous pouvez facilement imaginer la valeur de ces masques. Un groupe est très connu à Fribourg : les Sioux. Ils ont même un campement au bord de la ville, à côté d’IKEA ! Ils ont reproduit avec exactitude les vêtements de cette tribu d’Indiens d’Amérique.

 

Un carnaval encore alémanique ?

Le carnaval alémanique n’est donc pas totalement sombre. L’atmosphère est bon enfant, très détendue et c’est un spectacle qui vaut la peine d’être vu. La musique est généralement assurée par des cliques bâloises. Ces cliques [Cliquen, le terme allemand vient du français !] viennent en voisines et mêlent désormais les deux carnavals, alémanique et bâlois. Difficile de s’y retrouver et il faut s’y connaître un peu pour savoir démêler les origines. Nous pouvons vous proposer de vous accompagner lors d’un tel défilé pour vous en expliquer le déroulement. Contactez-nous !

Toutes ces festivités se terminent avec le mercredi des Cendres et le début de carême. À Bâle, toutefois, les festivités ont lieu notamment le lundi d’après le mercredi des Cendres. Cette spécificité est pourtant simple : pour les catholiques, le carême compte 46 jours car les 6 dimanches de carême ne sont pas jours de jeûne. En revanche, Bâle la protestante respecte stricto sensu les 40 jours et leur carême commence plus tard… C’est un des nombreux secrets du carnaval bâlois.

Fribourg-en-Brisgau en hiver

Fribourg-en-Brisgau en hiver

En hiver, Fribourg-en-Brisgau offre de nombreuses activités.

Tout d’abord, au mois de décembre, vous pouvez vous réchauffer autour des cabanes à vin chaud sur le marché de Noël. Ce peut être aussi sur la place de la cathédrale, à la Alte Wache.

Ensuite, pendant tout l’hiver, dans les hauteurs de la Forêt-Noire, vous pouvez arpenter les pistes de ski de fond. Pour les plus téméraires, vous dévalerez celles de ski alpin sur le Feldberg. Il est aussi possible de faire des randonnées en raquettes. Enfilez tout simplement vos chaussures de randonnées car des chemins sont ouverts pour cela. Dans tous les cas, Fribourg-en-Brisgau, entre plaine et montagne, a tous les atouts pour des vacances d’un week-end ou de plusieurs jours.

Se réchauffer en hiver à Fribourg

Nous avons quelques artistes qui ont représenté l’hiver à Fribourg-en-Brisgau ! Ainsi, il vaut mieux se chauffer dans un gros manteau bien chaud comme la statue de l’hiver de Christian Wentzinger. Ou réchauffez-vous comme l’un des petits anges de l’ancien réfectoire de l’abbaye de St. Märgen, devant un feu allumé…

Avec nos guides, vous n’allez pas prendre froid parce que votre esprit sera sans cesse actif lors de nos visites guidées ! Et bien sûr en bougeant dans la ville, lors de la découverte des différentes ruelles ou des belles places de Fribourg.

Les nombreux musées offrent une autre possibilité de se réchauffer. C’est le cas depuis la restauration d’une grande partie du musée des Augustins. Même si la restauration n’est pas encore terminée, vous pouvez désormais vous rendre dans ce musée plein de charme sans crainte de froid. C’est l’inverse de ce que vivaient les moines Augustins ici entre le 13e et le 18e siècle.

Finalement après la visite guidée amusante et divertissante, vous pourrez vous réchauffer pour de bon dans l’un des nombreux cafés ou restaurants de la vieille ville [Altstadt, fém. sing.].

Janvier, février...

Au mois de janvier, la visite de Fribourg est plus calme. S’il y a de la neige, vous pourrez profiter des montagnes enneigées et de différents sports d’hiver, tel que décrit ci-dessus. S’il fait suffisamment froid depuis longtemps, vous pourrez glisser sur les lacs gelés comme à Titisee. Cela vaut le coup. Malheureusement, cette belle glace est très rarement accessible à pied pour en profiter.

Le mois de février est couronné par le carnaval alémanique et cela même depuis la fin du mois de janvier. Le carnaval du Sud de l’Allemagne se distingue fortement du carnaval rhénan, plus au nord.

L’hiver se termine tout doucement avec l’entrée en carême, lorsque le carnaval est fini, pour passer au printemps lors des fêtes de Pâques. La neige peut toutefois encore revenir. Mais on peut se fier au principe du O-O. En effet, la voiture peut arborer ses pneus d’hiver entre octobre [Oktober] et Pâques [Ostern]. O-O : ces deux mots commencent par la lettre O…

La recette de la forêt-noire

La recette de la forêt-noire

La recette originale

Après avoir raconté l’histoire du gâteau, voici la recette de la forêt-noire que je confectionne une fois par an pour l’anniversaire de mon mari. Parce qu’il faut savoir qu’il faut beaucoup d’amour et beaucoup de patience pour faire une forêt-noire. N’ayez crainte, petit à petit, on a l’exercice.

Ingrédients

Pour la pâte sablée :
150g de beurre mou
100g de sucre
1 œuf
100g de farine
200g de noisettes moulues
1 pointe de sel

Pour la génoise :
100g de beurre mou
5 cuillères à café de sucre
130g de farine
60g de noisettes moulues
30g de chocolat pâtissier
5 œufs

Et aussi :
250g de confiture de cerise (ou de fruits rouges)
600 ml de crème liquide
700 g de cerises dénoyautées (fraîches, elles sont meilleures ; sinon, du bocal)
2 sachets de sucre vanillé
6 cuillères à café de kirsch
agar-agar (optionnel)

Comment tout commence...

Pour la recette de la forêt-noire, commencer par mélanger tous les ingrédients de la pâte sablée.

Etaler la pâte sablée dans un moule et mettre au four à 180 °C pendant environ 20 minutes.

Recette forêt-noire pâte sablée
Recette forêt-noire génoise
Recette forêt-noire génoise incorporer les oeufs

Pendant que la pâte sablée est en train de cuire, il faut faire la génoise.

Mélanger tous les ingrédients de la génoise en excluant les œufs. Battre les œufs en neige à part puis les incorporer délicatement dans le mélange.

Cuire au four à 180°C pendant 20 minutes .

1er étage de la forêt-noire

Une fois refroidie, prendre la pâte sablée. Etaler une couche de confiture de cerise sur cette pâte.

2ème étage de la forêt-noire

Recette forêt-noire couper génoise

Une fois refroidie, prendre la génoise. Il s’agit de couper très délicatement la génoise en deux sur son épaisseur pour en faire deux génoises de même hauteur.

Il faut tremper la première génoise avec 2-3 cuillères de kirsch. Essayer de bien en mettre un peu partout.

Poser délicatement cette première génoise sur la couche de confiture. Puis, sur cette première génoise, il faut ensuite poser les cerises. Il faut veiller à garder une quinzaine de cerises de côté pour la décoration.

Fouetter en chantilly la crème liquide, le sucre vanillé et 2-3 cuillères de kirsch. Une prise de sel aide à la rendre bien ferme. Avec un peu d’agar-agar, la crème peut tenir encore plus longtemps. On dispose cette crème fouettée sur les cerises. Un peu moins que la moitié de la préparation.

Recette forêt-noire cerises
Recette forêt-noire deuxième étage

3ème étage de la forêt-noire

Sur cette couche de crème, poser la deuxième partie de la génoise également trempée avec quelques cuillères de Kirsch.

Recette forêt-noire crème

Couvrir la totalité de cette génoise ainsi que les côtés d’une grande partie de la crème, bien lisse. Ajouter des copeaux de chocolats sur tout le gâteau.

Garniture de la forêt-noire

Sur le dessus, assez proche du rebord, poser des petites pointes de crème pour obtenir 8 à 10 morceaux de tartes imaginaires, ainsi qu’une pointe au milieu. Tout simplement autant de pointes sur les rebords que de personnes qui devront se servir. Sur les pointes, poser délicatement les cerises. Bon appétit !

Et aussi, la forêt-noire plus rapide...

Pour les paresseux, il y a aussi la recette de forêt-noire que mon mari confectionne en temps record lorsqu’il veut épater sa famille française de visite chez nous. C’est très simple, il n’y a aucune cuisson ! Mais il vaut mieux se fournir dans un magasin en Allemagne car on est sûr d’y trouver tous les ingrédients.

En fait, il achète la pâte sablée et la génoise toute faite et déjà coupée, ainsi que les cerises dénoyautées en bocal. Il commence par prendre la pâte sablée du magasin et y applique la confiture sur le dessus. Ensuite, il ajoute la première génoise trempée dans le kirsch. Dessus, une couche de cerises et il rajoute une crème liquide qu’il a battu en chantilly. Puis la deuxième génoise trempée au kirsch avec de la crème dessus qui recouvre également les côtés. Un coup de flocage de copeaux de chocolat, et on termine par les quatorze cerises qui couronnent le gâteau.

Cela a dû lui prendre un quart d’heure, cela ne lui a pas coûté grand-chose et la famille était bluffée. Ainsi, il est prêt de sacrifier à la recette traditionnelle mais une chose l’horripile dans les ersatz que l’on trouve en France. C’est la vanille. On ne met pas de vanille ni même du citron dans la forêt-noire : c’est une hérésie ! Dites-le à votre pâtissier, cela ne se fait pas, point barre !

La forêt-noire, un gâteau savoureux

La forêt-noire, un gâteau savoureux

Le gâteau de la forêt-noire : die Schwarzwälder Kirschtorte

Aujourd’hui. j’ai ouvert une page du grimoire au hasard et je suis tombée sur une lettre qui comporte une recette de cuisine, un gâteau dont vous connaissez probablement tous le nom, la forêt-noire.

En tout petit, on peut y distinguer la date de 1930. Elle est écrite par un Monsieur Hildenbrand, travaillant dans un café à Tuebingue, au nord-est de la Forêt-Noire, et qui se vante auprès de son cousin d’avoir inventé cette recette.

Ce que la lettre ne dit pas, c’est si ce M. Hildenbrand n’aurait pas reçu cette idée de celui qui revendique la création du fameux gâteau, un certain M. Keller. Ce dernier aurait confectionné ce gâteau pour la première fois dans son café Anger à Bad Godesberg, près de Bonn, en 1915 et consigné la recette en 1927.

Chacun tire la couverture (du gâteau !) à soi. Est-ce que M. Hildenbrand a aménagé un peu la recette en s’inspirant de la bonne crème aux cerises que sa grand-mère lui préparait toujours en dessert ? Avec du biscuit, des noisettes et de la crème aux cerises. En effet, c’est tout à fait un gâteau qui est symbolique de la région. Depuis des siècles, en Forêt-Noire, il était coutume de planter chaque année un cerisier et un noisetier. Il n’est pas dur de faire une bonne pâte sablée avec des noisettes, d’étaler dessus des cerises et cuire le tout avec de l’agar, du sucre, et d’ajouter de la crème. C’est ce qu’a fait M. Keller à Bonn.

La forêt-noire, un gâteau à l'origine contestée

L’innovation de M. Hildenbrand est sans doute celle des deux génoises et des couches supplémentaires de crème qui ne figuraient pas dans la recette initiale. A la fin, on ajoute des copeaux de chocolat sur le dessus et on pose délicatement des cerises en décoration. Idéalement il faut poser quatorze cerises car cela rappelle le chapeau à 14 boules rouges des jeunes filles de Gutach.

C’est ainsi. L’histoire de ce gâteau se perd un peu dans la nuit des temps, malgré le fait qu’il n’a à peine cent ans. Comme ce délicieux mélange de crème au Kirsch mélangé à des vraies cerises fond sur la langue de bien des amateurs et est devenu la spécialité de la Forêt-Noire, il était facile de rajouter une belle légende. En fait le moment de sa création coïncide avec le moment ou les cafés installent des réfrigérateurs. Ils commencent de pouvoir vendre des créations de plus en plus impressionnantes avec de la crème. 

La forêt-noire à la conquête du monde

C’est grâce à cela que le gâteau de la Forêt-Noire se répand en Allemagne avant la deuxième guerre mondiale et, vers 1950, elle figure à la 13e place des gâteaux connus en Allemagne. Depuis elle est le gâteau le plus célèbre d’Allemagne dans le monde entier. À tel point que j’ai presque été choquée une fois en Ecosse. Après avoir parcouru 200 km sans âme qui vive sur la route la plus septentrionale de Grande-Bretagne, la première trace de vie était un discounter allemand avec une forêt-noire en rayon…

Vous l’aurez compris. Les deux pâtissiers qui auraient inventé la forêt-noire, M. Keller et M. Hillenbrand, auraient pu être également des concurrents féroces. Malgré le fait que M. Keller soit décédé seulement en 1981, nous ne connaissons cependant pas la vérité sur ce gâteau pourtant si fameux.

Bonne dégustation...

Je peux vous assurer qu’il existe de nombreuses recettes à l’heure actuelle, chacune avec des toutes petites nuances. Même si vous partez à la dégustation dans les différents cafés de la Forêt-Noire, vous remarquerez de petites variations. Mais vous trouverez rapidement le café qui confectionne la forêt-noire à votre goût. En effet, depuis 2014, ses ingrédients et sa taille sont protégés comme produit de tradition.

Avant de cliquer sur le lien suivant qui contient la fameuse recette, voici comment prononcer le nom de la forêt-noire en allemand : die Schwarzwälder Kirschtorte. Littéralement, le gâteau à la cerise de Forêt-Noire. Cela donne les éléments suivants : schwarz = noir ; Wald = forêt ; Kirsch = cerise ; Torte = gâteau (et non tarte !). Ce qui donnerait phonétiquement chouarzvèldeur kirchtorteu. Un peu de courage, et vous pouvez cliquer sur la recette, vous l’avez mérité !

La plaine du Rhin

La plaine du Rhin

Une plaine fertile

Nous nous trouvons dans une plaine très fertile, celle du Rhin, coincée entre deux chaînes de montagnes, les Vosges [die Vogesen, pl. ] à l’ouest et la Forêt-Noire [der Schwarzwald] à l’est. Ce couloir fait tout de même une bonne largeur de 50-60 km entre ces deux chaînes de montagnes. La plaine du Rhin s’étend sur 150 km, voire même 350 km si on prolonge au-delà vers le nord, c’est-à-dire vers le Palatinat [die Pfalz, fém.]. Toute cette région s’appelle le Rhin supérieur [der Oberrhein]. Les eaux du Rhin sont navigables et arrosent les cultures, surtout grâce à ses différents affluents.

Ce qu’il faut savoir sur ce grand fleuve, c’est qu’il est source de légendes lui-même. Sur ses deux rives, le Rhin était très sauvage jusqu’au 18e – 19e siècle. Il n’avait pas son lit propre, mais comportait en bien des endroits une multitude de bras, qui selon les moments de l’année étaient plus ou moins remplis et qui pouvaient changer de taille d’année en année.

Ainsi les différents bras du Rhin arrosaient les champs et déjà aux temps anciens, on y installait souvent des « décharges » qui se remplissaient pendant les crues. Une fois par an environ, la rivière emportait tout avec elle. Louis XIV fit aménager le Rhin sur certaines longueurs mais c’est seulement à partir du début du 19e siècle que le cours du Rhin et de certains de ces affluents furent corrigés [begradigt]. Le chemin navigable fut ainsi raccourci de 80 km environ.

Non, il n'a pas gelé à pierre fendre !

C’est l’occasion rêvée ici de casser un mythe. Souvent, on raconte que les Alamans ont ponctuellement envahi la Gaule romaine parce que le Rhin avait gelé. On s’imagine donc qu’il faisait un froid sibérien et que les Alamans ont bravé un fleuve du genre Berezina sur plusieurs centaines de mètres. Et donc vu que le Rhin ne gèle plus, c’est bien la preuve qu’il y a réchauffement climatique.

Toutefois, honnêtement, même si le réchauffement climatique est bien avéré, ce n’est pas une preuve pour autant. Car le Rhin n’était donc pas ce large fleuve bien tracé comme maintenant. Les Alamans sont passés plutôt dans une sorte de marécage pas très profond, au débit lent, et donc qui gelait très facilement. Pour avoir une idée de ce paysage, il est encore possible de chaque côté du Rhin de faire des tours dans ce qu’on appelle le Ried, ou la Camargue alsacienne, avec des ballades en barque, en canoë ou à pied. Mais attention aux moustiques !

Le grand fleuve de la plaine du Rhin

Vous n’allez pas me croire, mais pour les Allemands, le Rhin est LE fleuve. On l’appelle le « Père Rhin » [Vater Rhein]. C’est sur le Rhin que se situent toutes les sagas allemandes : Siegfried et les Nibelungen, l’or du Rhin [das Rheingold], la Loreley… Mais tout cela, c’est bien plus au nord. Quoique l’on trouve de l’or dans le Rhin aussi du côté de Fribourg. Avis aux amateurs !

Dans la plaine du Rhin, le climat y est doux et tout y pousse. Surtout des arbres fruitiers mais également des céréales ainsi que la vigne. En fait, il faut l’avouer, en grande partie, ces plantes furent bien souvent importées par les Romains. Bien évidemment, les gens qui venaient s’installer ici profitaient également de la dense forêt. Certes, on trouvait de la forêt sur les contreforts des montagnes. Mais la plaine du Rhin, notamment côté alsacien, possédait une longue forêt sur les bords du Rhin et que l’on appelle encore, aussi bien à Strasbourg qu’à Mulhouse, la forêt de la Hardt. On utilisait le bois pour les constructions, pour le feu, c’est-à-dire pour la vie de tous les jours et il avait une grande valeur commerciale. Ce qui est encore vrai de nos jours.

Grimoire – Hilda l’Alamane

Grimoire – Hilda l’Alamane

Ouvrons donc un peu le vieux grimoire de ma collègue. Nous y trouvons l’histoire d’Hilda, une jeune Alamane du 3e siècle.

Brisiacus

Je n’aime vraiment pas cette tâche. Je dois me rendre à Brisiacus [Breisach all. / Brisach fr.] pour y vendre des perles et des herbes médicinales [die Kräuter, n. pl.]. Mon grand frère doit m’accompagner pour échanger du métal. Comme je suis plus douée dans le commerce que lui, je sais déjà que je vais m’occuper aussi de sa transaction.

Peut-être ma réussite est-elle due à ma beauté ? Contrairement à la plupart des gens de mon peuple qui sont bruns, je suis grande avec de longs cheveux blonds et des yeux bleus profonds. J’en suis fière mais, devant les Romains, j’essaye de prendre un air négligé pour ne pas attirer leurs regards. Bien que les Alamans ne soient pas toujours doux voire même plutôt l’inverse, les Romains peuvent être encore pires, surtout envers les autres peuples. Et je trouve qu’ils considèrent mes pairs comme des barbares. Nous n’avons même pas le statut de citoyens, comme les Gaulois qui ont notamment adopté la manière de vivre de Romains.

Bien évidemment, j’admire leur culture. La belle villa que j’ai vue il y a 7 ans non loin d’ici est impressionnante. Elle est grande et lumineuse. Le sol est couvert de petites pierres qui forment des mosaïques et les murs sont recouverts de fresques. Plus loin, à Aqua Villae [Badenweiler], il y a tout un complexe qui s’est construit autour de bains. Et ce sont justement ces bains qui ont attiré les Romains dans la région.

La villa urbana de Heitersheim

Comme ma mère connait les herbes médicinales, je l’ai accompagnée plusieurs fois pour l’aider à soigner Licinia, la maîtresse de maison [die Herrin, fém.]. Licinia était alors enceinte et sa grossesse se passait mal. Elle avait déjà une petite fille de mon âge qui m’a fait visiter la villa. Elle s’appelait Fausta. Comme nous sommes restées plusieurs mois là-bas, j’ai pu me faire une bonne idée de la vie romaine. Il était clair que Marcus, le dominus [der Herr, masc.], était très puissant et aimait sa femme énormément. Il voulait tout faire pour adoucir la vie de Licinia qui souffrait de se trouver en province [die Provinz, fém.].

Du haut de mes 10 ans, je profitais alors d’apprendre tout ce qui me semblait intéressant durant ces quatre mois, tandis que Fausta préférait quant à elle s’amuser. C’est ainsi que j’ai eu l’occasion d’apprendre quelques notions de latin, de lecture et d’écriture, ce qui est exceptionnel pour mon peuple. On m’a raconté que des barbares avaient aussi une écriture, les runes, mais je n’en ai jamais vu. Les runes sembleraient être écrites sur de petites pierres ou parfois sur de l’écorce, mais tout cela est bien loin, vers le nord.

C’est ainsi que les Romains nous appellent, nous les Alamans, les gens sans écriture et donc sans Histoire. Ils nous montrent bien qu’ils nous méprisent, non seulement pour cela, mais aussi pour notre style de vie. Bien évidemment c’est ridicule parce que nous nous racontons aussi des histoires !

La vie alamane et la vie romaine : deux mondes contraires

Les différences de styles de vie entre Fausta et moi n’auraient pas pu être plus grandes. [Unterschiedlicher hätte es nicht sein können].

J’habite dans une grande et longue maison en bois et en paille recouverte de chaume. C’est très sombre et on vit autour du feu. J’admire les maisons des Romains surtout pour la lumière qu’elles laissent rentrer, notamment dans une cour intérieure appelée atrium. Tout autour se trouvent différentes pièces d’habitation. Pour dormir, pour cuisiner et pour manger.

Chez moi, on mange sur les mêmes bancs que sur lesquels on dort la nuit. De l’autre côté de la maison et toujours sous le même toit vivent les animaux. Bien évidemment, en hiver, c’est pratique parce qu’il ne faut pas sortir dans le froid et les animaux chauffent également la maison. Ce que j’apprécie surtout chez moi, c’est ma liberté. Je vis principalement dehors. Fausta était presque toujours à l’intérieur avec des règles très strictes. Je l‘avoue, je sais bien que mon père me laisse une grande liberté aussi par rapport aux autres filles alamanes.

Bien que ma famille ne soit pas pauvre, je dois travailler depuis toute petite et aider à confectionner de la laine. Je suis spécialiste dans le tissage de petites bandes de laine ou en lin teint qui décorent les bords des robes, certains manteaux ou couvertures et qui sont utilisées comme ceintures par les femmes. J’aide dans le jardin ou je dois m’occuper des animaux. Ma mère m’apprend les propriétés des herbes médicinales et leur utilisation. Bien sûr, la vie de Fausta est celle dont rêvent de nombreuses filles. Mais être condamnée à ne rien faire ou s’occuper seulement de certaines tâches dans la maison, comme ce que doit faire Fausta, n’est vraiment pas pour moi.

J’aimerais bien façonner des bijoux comme mon oncle en fondant du minerai mais c’est une tâche que je n’aurai jamais le droit de faire. Chez les Alamans, les femmes confectionnent des petites perles, des petites pierres ou des bouts de verre que nous faisons fondre. C’est très apprécié par les Romains et les Gaulois et c’est justement cela que je vais vendre au marché. Je vous laisse, le chemin est encore long. Et il faut que j’y arrive tôt pour pouvoir vendre mes perles au meilleur prix !

Romains, Alamans et Francs : les peuples en Bade

Romains, Alamans et Francs : les peuples en Bade

Avant d’ouvrir le vieux grimoire pour la première fois, je voudrais vous brosser un portrait de la région où nous nous trouvons. Nous vivons sur une terre très ancienne. Sur le territoire de la ville de Fribourg, longtemps avant que la ville ne soit fondée, les hommes y passaient, y chassaient et y guerroyaient depuis des millénaires.

Les Romains

On trouve des traces de passage depuis l’âge de pierre [die Steinzeit]. Un peu plus tard, les Celtes [die Kelten, masc. pl.] ont d’abord défendu leur territoire contre les Romains [die Römer, masc. pl.] avant de cohabiter. Sur le Schlossberg, la colline du château de Fribourg, nous avons des traces d’un vieil habitat romain. Et les archéologues pensent aujourd’hui qu’il y avait une villa romaine sur le territoire de la ville. Cela se passe à peu près mille ans avant la fondation [die Gründung] de Fribourg.

Dans les environs, on trouve partout des restes des Celtes et des Romains, la ville de Brisach par exemple qui a donné son nom à la région du Brisgau ou les villas romaines de Heitersheim et de Badenweiler. Cette dernière est une petite ville thermale à 30 km au sud de Fribourg. À l’opposé, à une centaine de kilomètres au nord de Fribourg, une autre ville thermale célèbre, Baden-Baden, était déjà appréciée par les soldats romains. Elle a donné son nom à la région, la Bade.

Les Alamans

La région a été peu à peu conquise par les Alamans [die Alemannen, masc. pl.], contre les (celto-) Romains sans que ce soit une lutte continuelle toutefois car ils ont également fait du commerce ensemble. Les Alamans, ce sont les « Ala Mannen », « tous les hommes » [Alle Männer].

Pour ce qu’il en est des restes des Alamans, c’est souvent plus difficile au niveau des traces archéologiques. Mais les sources écrites sur les Alamans doivent être lues de façon critique car ce sont notamment les Romains qui ont laissé des écrits à ce propos. Evidemment, votre ennemi ne va pas écrire des choses objectives sur vous. Ces sources écrites sur les Alamans peuvent donc être lues comme du « fake », un peu comme aujourd’hui. Les sources archéologiques nous dressent un tableau plus précis. Elles montrent notamment des hommes qui étaient proches de leurs voisins germaniques. Evidemment par rapport aux restes des Romains avec leur constructions en pierre ou en brique, il nous reste beaucoup moins de traces. En effet, les constructions des Alamans étaient généralement en bois et torchis…

Par exemple directement au nord de Fribourg, à environ 8 km, se trouve le village de Vörstetten. C’est ici qu’on a trouvé des traces d’une ancienne ferme des Alamans. Un petit écomusée [das Freilichtmuseum] très intéressant a été reconstitué. A Fribourg même, on peut découvrir un trésor alaman dans le musée archéologique de la ville, le Colombischlössle, qui lui-même est un vrai petit trésor [der Schatz].

Les Francs

Ensuite les Francs ont vaincu les Alamans. Ils se sont installés un peu partout et sont devenus les nouveaux seigneurs. On reconnait d’ailleurs bien les endroits où se sont installés les Francs et on peut les distinguer des endroits où habitaient les Alamans. En effet, pour les Francs, vous avez les villes qui se terminent en « ingen » comme Emmendingen, Gundelfingen, Denzlingen, Kenzingen par exemple. Cela correspond dans le Sundgau (sud de l’Alsace) à toutes les villes en « ingue » comme Hésingue, Hirsingue, Oltingue. En Lorraine, ce sont toutes les villes en « ange » comme Hayange, Hagondange, Florange. Les villes des Alamans se terminent en « heim » et on en retrouve en Bade à Heitersheim et à Müllheim. Mais, ironie de l’Histoire, c’est en Alsace qu’on trouve le plus de villes alamanes comme Fessenheim, Eguisheim, Ensisheim, Bergheim, Turckheim…

Battus par les Francs au 5e siècle à la bataille de Tolbiac [en allemand : Zülpich !] à côté de Cologne [Köln], les Alamans ont perdu leur indépendance pour toujours. Tel n’est pas le cas de leur nom. Au 13e siècle, on a appelé l’Empire « regnum Theutonicum » ou « regnum Alemanniae ». Les ordres religieux et notamment les franciscains et les dominicains ont utilisé ce dernier nom dans les noms de leurs provinces.

C’est ainsi que ce nom Alamannia rentrait petit à petit dans la langue française et dans d’autres langues. L’Allemagne désigne désormais en français un pays où peu d’habitants descendent vraiment des Alamans. Certaines langues étrangères auront pris le nom de la peuplade la plus proche de chez elle : les Alamans en français, les Germains en anglais (Germany), les Saxons en finnois (Saksa).

On dit toutefois que les Alamans avaient les cheveux bruns. De quoi casser un mythe…

Comment tout a commencé…

Comment tout a commencé…

Je suis guide à Fribourg-à-Brisgau et dirige l’agence Bonjour-Allemagne. Un minuscule virus appelé Covid-19 a fait que, pour certains d’entre vous, vous n’avez pas pu venir visiter Fribourg comme c’était prévu ce printemps 2020. Ce minuscule virus nous interdit de sortir, d’aller à l’école, au travail pour beaucoup de monde, et de voyager… Nous devons repousser des voyages en groupes, que ce soit des classes, des adultes, des seniors, que ce soit entre amis ou en familles. Profitons donc de ce temps pour voyager par l’imagination. 

Un blog pour découvrir Fribourg-en-Brisgau et sa région

Dans ce blog, vous trouverez désormais une histoire ou différentes histoires qui se sont passées ou qui auraient pu se passer comme cela dans la ville de Fribourg et dans sa région, le Brisgau, la Forêt-Noire ou l’Alsace. Une bonne manière de se divertir notamment pour tous les élèves ou tous les groupes d’élèves pour qui le temps devient long et qui avaient tout spécialement prévu de venir.

Le grimoire de Bonjour-Allemagne

Comme une guide m’a laissé un vieux grimoire avec des histoires sur Fribourg et sa région, je profite de mon nouveau temps libre pour vous faire partager ces histoires et pas seulement celles des grandes figures de la ville. Il s’agit de revivre le quotidien de plusieurs habitants de la ville, des commerçants [Kaufleute, pl.], des échevins [Ratsherren, masc. pl. ou Schöffe, masc. pl.], des pêcheurs [Fischer, masc. pl.], des tanneurs [Gerber, masc. pl.], des constructeurs [Bauleute, pl.] de la cathédrale ou des remparts, en bref, d’hommes et de femmes comme vous et moi, mais d’autrefois.

Carnaval alémanique

Le carnaval alémanique

Le carnaval alémanique : que signifie cet adjectif “alémanique” qui caractérise le carnaval de la région de Fribourg-en-Brisgau et la Forêt-Noire ? Tout simplement parce…

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Hiver à Fribourg

Fribourg-en-Brisgau en hiver

En hiver, Fribourg-en-Brisgau offre de nombreuses activités. Tout d’abord, au mois de décembre, vous pouvez vous réchauffer autour des cabanes à vin chaud sur le marché de…

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